mardi 16 octobre 2012

En soutien à Mounir Fatmi


Je n’ai pas la chance de connaître Mounir Fatmi mais je peux imaginer l’abattement qu’il a du ressentir en ce début d’octobre lorsque à Toulouse puis à l’Institut du Monde Arabe, deux de ses œuvres ont été retirées. Je voudrais lui dire mon soutien tout en essayant de comprendre ce qui a pu se passer.

Ces deux cas ne relèvent pas d’une même situation quand bien même l’un et l’autre, dans la manière dont ils se sont passés, me heurtent réellement.

Dans le cas de Toulouse, on peut comprendre la nécessité d’un appel au calme, d’un apaisement, et regretter que les responsables du Printemps de Septembre n’aient pas prie toute la mesure des risques et veiller avec l’artiste à ce que  l’œuvre soit présentée dans les meilleures conditions. On peut se demander comment une telle erreur de jugement a pu se produire quant aux garanties de mise en place de l’œuvre, mais il est toujours plus facile de commenter a posteriori et évidemment difficile d’imaginer a priori ce que furent les réactions de certains croyants. C’est une situation qui n’avait probablement pas été imaginée une seconde, et sans doute est-ce là une erreur que de penser que l’art puisse exister en parallèle du monde.

La censure de l’Institut du Monde Arabe me paraît être d’une autre dimension et révéler une situation probablement beaucoup plus grave. Sleep n’a pas été autocensurée. Cette vidéo a été censurée par les responsables de l’IMA.  Elle n’est pas censurée parce qu’elle porte atteinte à la religion musulmane mais parce qu’elle représente Salman Rushdie, auteur des Versets Sataniques. Il n’y a là nulle attaque contre la religion musulmane mais seulement la peur de blesser certains par la représentation d’un homme contre lequel a été lancée une fatwa par l’ayatollah Khomeini en 1989. Et je ne reviens pas sur l’histoire de cette fatwa qui continue d’être une blessure au visage de la liberté de pensée.

Cela soulève trois problèmes majeurs. Le premier est l’indépendance même de cette institution vis à vis de ses contributeurs : il ne faut pas être naïf pour comprendre le lien entre ce refus d’exposer cette œuvre et les subsides nécessaires au fonctionnement de cet établissement apportés par certains pays arabes. Le second est que les voix discordantes venant de la société arabe comme Mounir Fatmi ne sont pas autorisée, même en France : quel étrange paradoxe de voir éclore une pensée artistique libre issue du monde arabe et de continuer à ne vouloir entendre que l’unique voix officielle qu’on ne saurait dans la plupart des cas soupçonner de démocratie ! Le troisième et le plus grave est qu’un tel acte de censure revient à valider cette fatwa : comment une institution publique peut-elle se ranger derrière un principe d’inquisition religieuse ; en acceptant que la figure même de l’écrivain soit ainsi porteur d’un blasphème dont l’accusent certains clercs musulmans, cette institution se rend coupable de soutien aux menaces qui pèsent sur lui. Non seulement l’IMA déshonore ainsi la République dont elle est une instance culturelle, mais ne elle remplit pas sa mission qui est d’œuvrer au rapprochement des cultures occidentale et arabo-musulmane.

Sans doute les responsables de l’IMA ont du se dire qu’il était plus sage d’apaiser ainsi un climat de tensions. Mais ils sont tombés dans un piège dont il est difficile de sortir. Il ne s’agit pas seulement de la liberté d’expression, mais bien de la liberté de pensée. Or l’Histoire nous montre que tout recule en la matière ne présage rien de bon car il est toujours impossible de revenir en arrière. Ma voix pèse peu mais il me semble de mon devoir, de citoyen et d’acteur de la culture, de dire qu’une telle attitude de la part de responsables institutionnels n’est pas tolérable.

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