vendredi 26 octobre 2012

C'est un début !


Avec/ with :
Matej Al-Ali, Bajota, Zbynek Baladran, Viktor Cech, Radovan Cerevka, Andras Csevalfay, Tomas Dzadon, Grzegorz Drozd, Jarmila Mitrikova & David Demjanovic, Vit Havranec, Radim Langer, Michal Moravcik, Tomas Moravec, Oldrich Morys, Jiri Skala, Jan Pfeiffer, Matej Smetana, Jiri Thyn, Tamas Szvet, Adam Vackar, Pavel Vancat, Tomas Vanek, Jaro Varga, Dusan Zahoransky…

mardi 16 octobre 2012

En soutien à Mounir Fatmi


Je n’ai pas la chance de connaître Mounir Fatmi mais je peux imaginer l’abattement qu’il a du ressentir en ce début d’octobre lorsque à Toulouse puis à l’Institut du Monde Arabe, deux de ses œuvres ont été retirées. Je voudrais lui dire mon soutien tout en essayant de comprendre ce qui a pu se passer.

Ces deux cas ne relèvent pas d’une même situation quand bien même l’un et l’autre, dans la manière dont ils se sont passés, me heurtent réellement.

Dans le cas de Toulouse, on peut comprendre la nécessité d’un appel au calme, d’un apaisement, et regretter que les responsables du Printemps de Septembre n’aient pas prie toute la mesure des risques et veiller avec l’artiste à ce que  l’œuvre soit présentée dans les meilleures conditions. On peut se demander comment une telle erreur de jugement a pu se produire quant aux garanties de mise en place de l’œuvre, mais il est toujours plus facile de commenter a posteriori et évidemment difficile d’imaginer a priori ce que furent les réactions de certains croyants. C’est une situation qui n’avait probablement pas été imaginée une seconde, et sans doute est-ce là une erreur que de penser que l’art puisse exister en parallèle du monde.

La censure de l’Institut du Monde Arabe me paraît être d’une autre dimension et révéler une situation probablement beaucoup plus grave. Sleep n’a pas été autocensurée. Cette vidéo a été censurée par les responsables de l’IMA.  Elle n’est pas censurée parce qu’elle porte atteinte à la religion musulmane mais parce qu’elle représente Salman Rushdie, auteur des Versets Sataniques. Il n’y a là nulle attaque contre la religion musulmane mais seulement la peur de blesser certains par la représentation d’un homme contre lequel a été lancée une fatwa par l’ayatollah Khomeini en 1989. Et je ne reviens pas sur l’histoire de cette fatwa qui continue d’être une blessure au visage de la liberté de pensée.

Cela soulève trois problèmes majeurs. Le premier est l’indépendance même de cette institution vis à vis de ses contributeurs : il ne faut pas être naïf pour comprendre le lien entre ce refus d’exposer cette œuvre et les subsides nécessaires au fonctionnement de cet établissement apportés par certains pays arabes. Le second est que les voix discordantes venant de la société arabe comme Mounir Fatmi ne sont pas autorisée, même en France : quel étrange paradoxe de voir éclore une pensée artistique libre issue du monde arabe et de continuer à ne vouloir entendre que l’unique voix officielle qu’on ne saurait dans la plupart des cas soupçonner de démocratie ! Le troisième et le plus grave est qu’un tel acte de censure revient à valider cette fatwa : comment une institution publique peut-elle se ranger derrière un principe d’inquisition religieuse ; en acceptant que la figure même de l’écrivain soit ainsi porteur d’un blasphème dont l’accusent certains clercs musulmans, cette institution se rend coupable de soutien aux menaces qui pèsent sur lui. Non seulement l’IMA déshonore ainsi la République dont elle est une instance culturelle, mais ne elle remplit pas sa mission qui est d’œuvrer au rapprochement des cultures occidentale et arabo-musulmane.

Sans doute les responsables de l’IMA ont du se dire qu’il était plus sage d’apaiser ainsi un climat de tensions. Mais ils sont tombés dans un piège dont il est difficile de sortir. Il ne s’agit pas seulement de la liberté d’expression, mais bien de la liberté de pensée. Or l’Histoire nous montre que tout recule en la matière ne présage rien de bon car il est toujours impossible de revenir en arrière. Ma voix pèse peu mais il me semble de mon devoir, de citoyen et d’acteur de la culture, de dire qu’une telle attitude de la part de responsables institutionnels n’est pas tolérable.

samedi 13 octobre 2012

Julius Koller, Grzegorz Drozd, Tomas Vanek

Grzgorz Drozd, Marikaban, 2012.

(I'm sorry for English language people, but translation needs time. It's coming as soon as possible)

Pas de nouvelle depuis le 15 septembre et pourtant beaucoup d’événements. Les rencontres avec les artistes, les curators et les critiques se poursuivent à un rythme soutenu, me laissant peu de temps pour l’écriture, encore moins pour la traduction. D’autres posts me permettront de revenir sur certaines des personnalités rencontrées à Prague et à Bratislava.

Plusieurs expositions ont retenu mon attention. Tout d’abord la présentation d’une partie des archives de l’artiste slovaque Julius Koller (1939-2007) à Tranzit Prague, réalisée par l’historien de l’art et curator Tomas Pospiszyl. La moitié des archives de l’artiste est conservée à la Galerie Nationale de Brastislava, l’autre moitié par une association d’amis de l’artiste. Cette dernière est présentée à Prague selon un principe simple de boîtes conservant les ensembles que l’artiste avait constitués. Histoire de l’art, Archéologie, Histoire de la Science-Fiction, Illustration d’enfants, etc., posées sur des étagères entourant une table de consultation. Le commissaire de l’exposition ou son assistant manipule un ensemble très hétérogène de documents jaunis. L’intérêt est que ces documents conservent toute leur ambiguïté quant à leur statut de document de travail ou d’œuvre. Nul ne peut s’avancer sans trahir l’œuvre même de cet artiste, et on sent avec ces documents combien il a tenté de penser l’art au cœur de la vie et non dans un espace adjacent. Ce qui me paraît le plus remarquable, est précisément cette manière de se porter vers des sujets qui n’ont rien de politique, et que, par cette attitude, il redonnait force et puissance à ces sujets. Cela apparaît comme une forme de fausse naïveté qui ré-enchante le monde. Et quand on se souvient du contexte, on se rend compte de la force de subversion qu’il a fallu à cet homme pour surmonter le système politique en place qui régissait tout jusqu’à l’art. (http://cz.tranzit.org/en/exhibition/0/2012-09-11/jlius-koler-archive-study-room)

Une autre exposition, elle aussi modeste par son ampleur mais très percutante par sa mise en œuvre et son propos, est celle de Grzegorz Drozd à ETC Galerie, lieu à vocation non commerciale. Grzegorz Drozd revient de plusieurs mois aux Philippines et plus particulièrement du village de Marikaban. Loin de l’art occidental, il a cherché une nouvelle approche qui lui permette de continuer son travail critique de l’institution, au double sens de l’institution comme structure de présentation et comme système de production. Il revient avec un certain nombre d’objets produits en collaboration avec le shaman du village, et qui ont un pouvoir magique. Tout l’intérêt de cette « exposition » est de créer un véritable hiatus entre l’œuvre d’art fétiche telle qu’elle fonctionne dans notre société occidentale et l’objet au pouvoir magique (les Aswangs) tel qu’il est vécu dans cette tribu des Philippines. Un œuvre d’art peut-elle posséder ces deux caractères ? Doit-on réintroduire de la magie dans l’art pour se déposséder du fétichisme ? Au delà de ces questions que certains trouveront folkloriques, il s’agit bien d’interroger ce que nous produisons comme art et ce que nous souhaitons faire de cet art. Des questions qui me paraissent fondamentales : que voulons-nous faire ? (http://etcgalerie.cz/grzegorz-drozd-1409-7102012/637/)

Le troisième projet dont je souhaitais rendre compte est une intervention et une exposition de Tomas Vanek. L’une et l’autre n’ont pas de rapport si ce n’est l’artiste et la manière dont il se glisse dans la réalité d’espaces précis. L’intervention a lieu au rez-de-chaussée d’un immeuble couvert de graffiti. Son jumeau d’à côté a, lui, été nettoyé par les services de la ville. Une association a pris les choses en main, rénové le hall et l’a transformé en une galerie d’art dont l’objectif n’est pas seulement de montrer des œuvres mais œuvrer à la promotion des relations de bon voisinage. Loin d’être une utilisation purement sociale de l’art – mais doit-on s’excuser de considérer que l’art possède réellement une valeur sociale ? – l’intervention de Tomas Vanek a consisté à peindre l’extérieur du rez-de-chaussée à la bombe et au pochoir, répétant un motif de carrelage rectangulaire noir des plus basiques. Ainsi les graffiti ne disparaissent pas totalement mais sont atténués par leurs propres armes et par un geste pictural des plus simples et des plus modernes. L’utilisation de la bombe comme du pochoir est un acte fondamental de la pratique de l’artiste, une manière pour lui de continuer la peinture en lui retirant tous les oripeaux des académismes successifs, pour aller à l’essentiel, couleur et espace. Car l’exposition présentée à Futura-Karlin Studios propose une série de cahiers de dessin  utilisés dans toutes les écoles, où Tomas Vanek à peint, selon le même principe, des motifs qui se déploient tout au long des pages. Flèches, motif de planches, punaises, illusion de classeur… toujours un motif unique qui déroule sa forme et surtout le détournement de son utilisation tout au long de l’espace même du cahier. Présentés dans un espace consacré au seul dessin (son nom est Karton) créé par des étudiants de l’Académie des Beaux-Arts où T. Vanek est professeur, ces cahiers sont comme des exercices mais avec un impact visuel aussi fort que ses « Particips », installations qui jouent sur le contexte même de l’exposition en considérant l’art à partir des petites choses de la vie.(http://www.particip.tv/)